En réaction et complément à l’article de Servan Peca, paru dans Le Temps du 18.11.2020 « La bonne foi des entreprises ne suffit pas »

En réaction et complément à l’article de Servan Peca, paru dans Le Temps du 18.11.2020 « La bonne foi des entreprises ne suffit pas »

Jeudi, Novembre 19, 2020

La notion de Responsabilité Sociétale de l’Entreprise est effectivement apparue il y a plus de 25 ans. On parlait également de reporting extra-financier. Ce nouvel objet de gouvernance a connu une structuration spectaculaire, depuis le milieu des années 1990, à travers le développement et le déploiement d’instruments d’expertises.

Avec le recul, et malgré des avancées qu’il faut saluer, force est de constater que les indicateurs non financiers qui ont accompagné les projets mis en place ne reflétaient généralement pas les discours généreux que tenaient les entreprises en matière de Développement Durable. Mais si les données sont lacunaires et peu fiables, c’est moins parce que les entreprises ne veulent pas les divulguer que parce qu’elles font le plus souvent défaut. Ainsi, les différents acteurs du domaine ne sont pas confrontés à une situation « d’asymétries d’information », mais plutôt à une situation « d’incertitudes partagées » où personne n’est capable de définir de façon autonome la nature ni la forme des informations qui doivent être produites

Selon un principe similaire aux rapports RSE, la signature du Pacte mondial est une démarche volontaire de la part de l’entreprise. Les entreprises adhérentes s’engagent à progresser chaque année dans chacun des 4 thèmes du Pacte mondial et doivent remettre un rapport annuel appelé Communication sur le Progrès (COP) expliquant les progrès qu’elles ont réalisés.

L’impact de ce programme reste discuté:

  • Indéniablement, le Global Compact est un véritable succès si l’on mesure celui-ci au nombre d’entreprises et d’organismes participant à cette initiative. Au-delà du poids symbolique de ses 1017 membres, le Global Compact a permis l’institutionnalisation d’un dialogue élargi à de nouveaux acteurs, permettant ainsi la prise de conscience de problèmes, la diffusion des valeurs des Nations-Unies ou encore l’échange de bonnes pratiques. De fait, il correspond parfaitement à la raison d’être de l’ONU : favoriser la coopération internationale.
  • Les effets du Global Compact peuvent cependant sembler limités. Cette initiative demeure peu connue bien que ce soit l’initiative mondiale la plus importante en ce qui concerne le développement durable. De plus, l’existence même du Global Compact peut être perçue comme la reconnaissance du rôle grandissant des multinationales comme acteur des relations internationales. Son corollaire est le retrait progressif des États et la domination des enjeux économiques sur les considérations politiques.
  • le programme qui a succédé aux objectifs du millénaire, soit les 17 objectifs du développement durable semble lui disposé de moyen et d’un contexte plus favorable à être diffusé auprès d’un plus grand nombre d’acteurs concernés et rassemblés chacun autour d’objectifs communs, quelque soit sa contribution respective.

Fort de nos plus de 10 ans d’expérience dans ce domaine, nous ne pouvons qu’appuyer les résultats de l’ouvrage « Entreprises et droits humains – Les limites de la bonne volonté (Editions Seismo) » qui montre les limites de l’auto-évaluation. Bien que ces approches aient dénoté un certain progrès au passage du siècle, force est de constater que ces rapports – proposition centrale du contre-projet – n’ont qu’une crédibilité limitée puisque non contrôlée par une instance externe. Face aux enjeux majeurs du XXIème siècle que sont – pour résumer le réchauffement climatique et la perte de biodiversité – il est nécessaire d’ajouter des mesures plus contraignantes, et une juridiction adaptée à la globalisation, mesures que nous souhaitant voir accompagnées d’aides étatiques ciblées à l’exemple du fond à hauteur de 75 millions pour l’innovation dont 25 millions pour le développement durable débloqué par le Conseil d’Etat vaudois cette année.

Le développement des certifications de type ISO, et plus spécifiquement Ecoentreprise ou BCorp en Europe et en Suisse, offre la possibilité aux entreprises qui désirent s’engager davantage sur la mise en place de mesures visant à réduire leur impact environnemental et sociétal, des outils systémiques permettant non seulement de se mesurer sous le prisme de tous les axes de la durabilité, mais également de se comparer à l’ensemble des entreprises de leur marché, au-delà des frontières nationales. Et ce uniquement après avoir être contrôlée par un organisme externe, processus témoignant d’un gain de transparence, non seulement sur les produits proposés, mais sur l’ensemble de l’organisation, donnant ainsi une information de fiabilité que le consommateur est en mesure de pouvoir exiger.

De plus, il est à relever que les états, en particulier les cantons romands, favorisent depuis peu encore davantage la prise en compte de ces certifications dans l’octroi des soumissions dans le cadre des marchés publiques, valorisant ainsi les entreprises réellement et suffisamment engagée sur le « triple bottom line ».

Un prochain article donnera davantage de détails sur ce point.

Ainsi, selon notre point de vue, 30 ans plus tard, « La bonne foi des entreprises ne suffit plus ».

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